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Les tribulations de la Marquise
11 mars 2013

California.

California.

 

                                           california

"Aéroport, aérogare, 
Mais pour tout l'or m'en aller."

C'est la fin, le bout du rouleau, le vide sous mes pieds au bord du précipice. Je ne sais pas exactement pourquoi. La crise de la quarantaine ? Ou juste une lassitude totale pour la mère patrie : la France. Mitterrand vient d'être élu, dieu le préserve, mais il devra compter sur un citoyen en moins.

"C'est le blues, le coup de cafard, 
Le check-out assuré."

Mes enfants sont en pleine crise d'adolescence. Enfin, si Marie n'avait pas avorté deux fois en Espagne, mes enfants le seraient. Mais nous sommes deux, nous sommes en instance de divorce, et je pense que si celle-ci ne va pas plus rapidement je vais finir par assassiner celle que j'ai tant aimé. Parce que bon dieu, elle est probablement la personne la plus emmerdante que je connaisse.

"Vienne la nuit et sonne l'heure 
Et moi je meure."

L'horloge héritée de ma grande tante sonne minuit derrière moi. Je suis affalé sur mon canapé, un verre de whisky et un cigare à la main. Mais l'illusion ne prend pas, je ne peux m'empêcher de rêver à d'autres horizons. J'ai de l'argent, mais où puis-je aller ?

"Entre apathie et pesanteur 
Où je demeure."

J'avance dans les couloirs de mon entreprise comme si j'évoluais dans un brouillard permanent. Les gens me parlent, je leur réponds. Après tout, je crois bien que c'est la seule chose qui leur importe vraiment. oh, ça et ma tête, beaucoup rêvent de prendre le contrôle de ma société et ma mort créerait une lutte sans fin. Autant rester en vie, ça évitera la guerre !

"Changer d'optique, prendre l'exit
Et m'envoyer en Amérique."

Mais être en vie ne suppose pas forcément d'être présent. Alors un jour, je décide de prendre des billets d'avion. Ayant lu Easton Ellis, la destination m'apparaît évidente : la Californie. Il était temps de changer d'air, et je n'avais plus le choix entre la corde ou le départ.

"Sex appeal, c'est Sunset,
C'est Marlboro qui me sourit."

J'ai évidemment repris tout de suite mes sales habitudes quand je suis arrivé. Un café dans une main, une cigarette dans l'autre, je dois avouer que dans l'aéroport JFK je me sens plus libre que jamais. Ah, cette décision, la meilleure de ma vie ? Oh, et les avortements aussi. Me retrouver avec deux affreux marmots aurait signé mon arrêt de mort.

"Mon amour, mon moi, 
Je sais qu'il existe."

Surtout avec une mère telle que Marie ! Que leur aurait-elle fait subir ? Un frisson parcourt mon échine rien qu'à y penser. Grand dieu, si j'avais su j'aurais épousé Lara, major de la faculté. Marie avait beau être jolie, elle se dégradait tellement aux environs des quarante ans que même son intelligence était maintenant devenue son principal interêt. C'est dire !

"La chaleur de l'abandon,
C'est comme une symphonie."

Un rail de coke plus tard me voilà, plus vivant que jamais, il doit être deux heures du matin et je me suis perdu dans la volupté d'un club de Strip-Tease. Une fille magnifique se dandine devant moi, je crois que j'ai la trique et qu'elle ne va pas finir sa soirée ici... Je lui enjoint de me suivre dehors, lui montre une liasse de dollars et nous prenons aussitôt un taxi jaune. Le pied.

"J'ai plus d'I.D., mais bien l'idée,
De me payer un freeway."

Le lendemain je me réveille seul, les couvertures sont sales et l'hotel miteux. Je n'ai plus vraiment de souvenirs de la nuit dernière, à part la magnifique jeune femme avec qui j'ai manifestement passé la nuit. Mon pied se pose sur un préservatif usagé et j'ai tellement la nausée qu'une fois dans la minuscule salle de bain je vomis mes tripes. Et, abandonné, gît une seringue, une dose d'héroïne, une petite cuillère et un citron. C'est le freeway. 

"C'est l'osmose, on the road,
De l'asphalte sous les pieds."

Je suis devant l’hôtel, ma petite valise sous le bras et le costard un peu froissé. Je crois que la vie ne m'a jamais semblé si pure qu'à cet instant. Les panneaux publicitaires voguent dans la lumière éclatante du soleil et le trottoir me semble si doux, si agréable que je décide de m’asseoir dessus. Quel trip les enfants !

"Vienne la nuit, c'est le Jet Lag, 
Qui me décale."

La descente est douloureuse. N'ayant rien à part de la coke sur moi, la torpeur de l'héroïne s'éloigne peu à peu, me laissant minablement choir dans les rues surpeuplées.
Je rentre dans un restaurant durant cet enfer, je sniffe dans leur chiottes horribles et je me sens un peu mieux, un peu plus en vie.

"L.A.P.D me donne un blâme, 
C'est pas le drame."

Deux jours plus tard j'ai loué une voiture, un petit appartement sur Sunset Avenue et j'ai retrouvé d'anciennes connaissances professionnelles qui semblent avoir fait le même choix que moi. Ou alors était-ce des anciens camarades de classe ? Ou de parfaits inconnus, quelle importance après tout. Un PV vole au vent sous l'essuie glace de ma Mercedes, je m'en moque.

"Se faire un trip, s'offrir un strip,
Sous le soleil en plein midi."

C'est le pied à nouveau, la semaine merveilleuse de ce 14 Juillet où je profite de mon existence à outrance. Les excès me paraissent tellement banals, quotidiens, mes amis sont des gens formidables et on organise souvent des soirées tous les jours, toutes les heures. La richesse nous donne l'impression que la vie n'est qu'une immense fête.

"Six A.M., j'suis offset, 
j'suis l'ice dans l'eau, j'suis mélo, dis."

Il est six heures du matin, je suis dans un caniveau en face de mon appart, je ne comprends pas. Mon appartement est rempli de gens que je ne connais pas et que je ne souhaite pas connaitre. Je me dirige avec peine jusqu'au mini-bar, me sert un whisky et regrette mes cigares. Mon regard vogue vers la fenêtre, où L.A. s'éveille doucement d'une si longue nuit.

"Mon amour, mon Wesson,
Mon artifice."

Je me suis bien évidemment acheté un revolver, et comme tous les apprentis américains républicains, il trône sur mon mini-bar. Il m'a coûté une brique et je doute de m'en servir un jour mais il est là. Il m'envoie comme un appel. Je n'ai pas réussi à sortir du bad trip qu'est ma vie, où que je sois. 

"La chaleur du canon, 
C'est comme une symphonie."

Et lorsque je l'applique sur ma tempe, un peu plus tard dans ma salle de bain, le reflet que me renvoit le miroir me semble merveilleusement naturel. Il est temps d'en finir, n'est-ce pas ? La comédie a trop durée, il est temps de baisser le rideau. 
Le bruit que la détonation fit me sembla tout à fait juste.

"C'est sexy le ciel de Californie, 
sous ma peau j'ai L.A en overdose.
C'est sexy le spleen d'un Road-Movie,
Dans le rétro, ma vie qui s'anamorphose."

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