Tatouage.

Sur sa peau parcheminée, un tatouage. Au vu de son grand âge, il s'était quelque peu effacé mais il était tout de même encore présent, comme un rappel infini de l'époque trouble à laquelle il avait été inscrit sur son avant-bras. 
Pourquoi l'avant-bras ? Elle n'en savait rien. L'homme qui le lui avait fait ne lui avait pas posé de question, ni à elle ni aux autres gens qui passèrent après. Il ne lui avait même pas lancé un seul regard, comme si elle n'avait aucune importance à ses yeux. 
Et d'ailleurs, ça devait probablement être le cas. Que valait une vie humaine pour un homme qui passait son temps à tracer des signes dans la peau ? 
Elle avait peu à peu cessé de trembler lorsqu'elle y repensait, peu à peu réussi à tarir le flot de larmes qui menaçait de s'écouler à chaque fois que quelqu'un y faisait allusion. Puis la vieillesse avait repris le dessus, Parkinson, tout ça. Maintenant, elle tremblait tout le temps. 
Et elle s'écoeurait, comme à cette époque du tatouage, elle aurait presque préféré mourir que subir une humiliation pareille. 
Alors pourquoi ne pas en finir ?
La question était de plus en plus fréquente, de plus en plus insidieuse, de plus en plus tentante.
Alors, un jour où ses petits-enfants n'étaient pas là, un jour où l'aide ménagère ne devait pas passer, un jour vide, elle prit sa décision.
Se levant péniblement de son fauteuil, voulant faire son dernier au revoir à la vie dignement, elle se dirigea vers la cuisine et saisit le premier couteau qui lui tombait sous la main en étant soulagée que ce ne fut pas un couteau à beurre, ce qui lui aurait prit sensiblement plus de temps. 
Elle ferma les yeux et enfonça lentement l'arme blanche dans le tatouage.
Et se rappela l'endroit où il avait été fait.
Un numéro.
Auschwitz.